La Taille de l’Estomac – Une Leçon de Mesure Intérieure

Le corps connaît des secrets que l’esprit oublie.Parmi eux, celui de l’estomac — ce réceptacle humble et sacré que la tradition chinoise appelle le Grand Grenier du Corps, Wèicāng.Il n’est pas grand. Il n’est pas vaste.Dans son état naturel, calme et vide, il a la taille d’un poing fermé.Un espace précis, contenu, presque discret.La taille exacte de ce que nous pouvons accueillir sans nous perdre.

Lorsque nous mangeons, cet espace s’ouvre comme une main qui se déploie.Une main en forme de bol, courbée, accueillante, prête à recevoir juste ce qu’il faut — ni plus, ni moins.L’estomac, à ce moment-là, révèle sa sagesse profonde :il peut s’élargir, mais il ne demande jamais l’excès.Au-delà de cette ouverture naturelle, le Feu digestif s’étrangle,la Rate se fatigue,et les fascias du ventre se tendent, comme une toile trop sollicitée.

Dans la tradition taoïste, on dit qu’un repas doit remplir l’estomac à 70 %.Un tiers pour la nourriture, un tiers pour la boisson, un tiers pour le vide.Ce vide n’est pas une absence :c’est l’espace où le Qi se déploie,où le souffle transforme,où les tissus glissent les uns contre les autres, libres de circuler.Ce vide est la respiration cachée de l’estomac,la place nécessaire pour que la vie continue de se mouvoir en nous.

Manger à mesure, c’est donc un acte de conscience.Une façon de respecter la mécanique subtile du ventre, mais aussi son humeur profonde.Les fascias du tronc enregistrent chaque excès comme une tension,chaque surcharge comme un appel à l’aide.Ils se contractent, se densifient, gardent la mémoire de nos trop-pleins.

Apprendre la taille véritable de son estomac,c’est apprendre la taille véritable de nos besoins.C’est redécouvrir le geste intérieur de la juste mesure,cet accord silencieux entre ce que nous désirons et ce que nous pouvons réellement accueillir.

Dans cette écoute du ventre, on découvre un principe simple :ce qui nourrit vraiment ne remplit pas,cela apaise.

Et l’estomac, comme une main ouverte, trouve alors sa forme parfaite.